Vous pourriez être cette personne

Vous pourriez être cette personne

VOUS POURRIEZ-ÊTRE CONTRÔLEUR DE TRAIN

Votre train n’est pas là. Vous commencez à avoir l’habitude, vous prenez le train plusieurs fois par semaine pour le boulot, et vous arrivez un nombre incalculable de fois en retard à vos rendez-vous. Mais là, c’est pire, bien pire que les autres fois. Là, le train est carrément annulé, et aucune solution ne semble s’offrir à vous, si ce n’est d’attendre dans le froid de la gare, debout, qu’un nouveau train soit annoncé, ce qui ne semble pas être à l’ordre du jour. Alors forcément, la tension monte, les voyageurs sont exaspérés, et chaque annonce au micro est attendue avec un mélange d’anxiété et de colère. Mais dites-vous bien que cela pourrait être pire. Vous pourriez en effet être, non pas la personne en retard, mais celle chargée de vous expliquer ce retard.

 

Vous pourriez, en effet, être contrôleur de train.

 

Voici ce que nous pouvons lire sur le site officiel de la SNCF : “La sécurité et le confort pendant le voyage sont des éléments déterminants de la satisfaction de nos clients. En tant que commercial(e) à bord des trains, vous êtes le/la représentant(e) SNCF auprès des voyageurs. Chaque jour, vous êtes en charge de plusieurs missions : accueillir, assister et informer les voyageurs sur le quai et à bord du train, assurer le confort, la sécurité et la sûreté de tous, veiller à la propreté et au bon fonctionnement des installations à bord, lutter contre la fraude en contrôlant les titres de transport et en régularisant la situation des clients, assister le conducteur pour le bon déroulement des circulations (fermeture des portes, intervention en cas d’incidents)”. Il s’agit ainsi de représenter la SNCF dans les trains, que ce soit pour les trajets régionaux ou nationaux. Voici déjà de quoi largement occuper vos journées. Et un peu plus encore : “Vous travaillez seul ou en équipe selon votre affectation et votre quotidien ne répond à aucune routine. Il implique des déplacements et des repos hors domicile. Vous travaillez parfois de nuit, le week-end et les jours fériés”.

 

Mais prenons les choses dans l’ordre. Accueillir, certes, rien de bien compliqué sur le papier, mais c’est sans compter sur les retards, les annulations, les changements de voies, etc. Très vite, vous voilà en charge d’accueillir non pas des voyageurs fatigués, mais des voyageurs fatigués en colère, et en attente de réponses. Des réponses que vous devez leur apporter habillé comme… Et bien, un agent de la SNCF. Dans les pages de Ouest France, on peut lire le portrait d’une jeune femme : “contrôleur à la SNCF, Élodie Lefeuvre porte le tailleur pantalon gris classique. Pas la casquette. « J’ai préféré le bibi. » Ce petit chapeau bleu rigolo permet de gommer l’image un peu froide et rigide que renvoie l’uniforme”.

 

Un look à part.

Il faut aimer.

 

Cette même demoiselle raconte son quotidien. Un quotidien certes rondement mené, mais pas toujours simple à gérer : “Aujourd’hui, la jeune femme a son roulement, « un planning établi sur plusieurs semaines ». Saint-Malo, Quimper, Nantes, mais aussi Paris, Lille, Lyon ou Marseille en TGV. « Jamais les mêmes lignes. Tous les jours ça change. Ce n’est pas monotone. » Les horaires de travail varient, avec des repos hors résidence. « Je pars en découcher. » Une expression familière aux cheminots, qui fait sourire ses amis. Sur l’année, Elodie est trois mois en réserve : « Je ne connais mes horaires que la veille pour le lendemain… Mais les jours de repos sont programmés »”. Veillez donc à ne pas prévoir vos soirées entre amis trop tôt à l’avance, vous serez peut-être dans l’obligation d’annuler.

 

Et puis, surtout, il y a les resquilleurs. Et là, attention, vous aurez du pain sur la planche. Et vous avez de tout : des passifs fatalistes qui voyagent sans payer et se font verbaliser sans broncher ; des actifs qui font tout pour échapper aux contrôleurs et multiplient les astuces. Il y a les acteurs, compteurs, embrouilleurs, baratineurs de toutes sortes qui arriveraient presque à se faire passer pour des usagers intègres… Il y a aussi les prédateurs, les agressifs, les psychopathes… Ceux que les contrôleurs redoutent par-dessus tout, pour leurs réactions imprévisibles. Bref, à chaque jour suffit sa peine.

 

Sur le blog Chroniques du Rail, un usager raconte : “depuis bientôt un an, je ne crois pas avoir pris le train une seule fois sans voir des resquilleurs se faire verbaliser. Certains sont des multirécidivistes comme ce grand gaillard athlétique et beau gosse, que nous appellerons Gérard. Voilà des semaines qu’il prend le train de 19H23 pour Dijon. Il n’a pas de bagage. Il voyage les deux mains dans les poches, un casque sur les oreilles. C’est sur le quai que je lui adresse la parole alors qu’il vient de me demander si j’ai une cigarette à lui donner. « Y en a, je sais où ils contrôlent, je me place à l’autre bout du train. Si le train est bien plein, le temps qu’ils arrivent jusqu’à moi, on est à Dijon… Y en a qui ne contrôlent jamais les premières classes. Ou qui ne contrôlent pas tout court… Y a ceux qui font une ou deux voitures histoire de mettre leur machine en route et qui vont draguer l’hôtesse du bar. Dans les duplexes c’est plus facile, tu vas en haut quand ils sont en bas. » Je lui demande si le fait de voyager sans payer ne lui pose de problème de conscience. Il éclate de rire. « La conscience, tu es drôle. La SNCF elle nous plume avec des tarif de ouf. Je rétablis l’équilibre… »”

 

On résume donc : dans un uniforme un peu moche, vous avez des horaires compliqués durant lesquels vous devez faire face à des usagers en colère, ou tout simplement fraudeurs. Et tout cela, quand il ne faut pas tout simplement évacuer les gens du train. Le tout payé, au début, au SMIC.

 

Alors souriez, votre train est certes annulé, mais cela pourrait être pire.

 

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