Vous allez (forcément) vous endormir

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Tom (Partie 4)

La scolarité d'un enfant peut parfois se jouer à des détails. En règle générale, une fois à l'âge adulte, les individus se remémorent avec plus ou moins de nostalgie leurs années de collège et de lycée. Ce ne sont pas les facilités ou les difficultés dans certaines matières qui marquent le plus. Si l’on peut tout à fait se souvenir que les cours de mathématiques ou de philosophie s'apparentaient à des heures de torture, la plupart des élèves vont au bout de leur parcours scolaire en ayant eu de bons rapports avec leurs professeurs et les matières enseignées. Le plus souvent, ce sont bel et bien les rencontres et les relations avec les autres élèves qui restent. Il n'est pas rare qu'à l'âge adulte, les amis les plus proches aient été rencontrés des années auparavant, dans un préau ou une cour d’école. Lorsque les parents de Tom avaient essayé de lui expliquer cette situation à son entrée au collège, il ne les avait pas cru. Ou du moins il se pensait incapable de se faire de vrais amis à cette période de sa vie. Doué dans ce qu'il faisait mais beaucoup trop fermé avec ses camarades, il semblait se diriger doucement mais sûrement vers une adolescence malheureuse. Sans ami, sans sortie marquante et sans un épanouissement en société pourtant fondamental pour sa construction personnelle. Mais ce sentiment d'indifférence avait disparu comme par miracle en quelques mois. Un miracle qui se nommait Fabien. Non seulement les deux garçons passaient toutes les heures de cours ensemble, mais ils étaient également collés l'un à l'autre lors des périodes de récréation et à la sortie de l'établissement. Ils parlaient beaucoup, échangeaient des souvenirs plus ou moins communs et pratiquaient les mêmes activités. Ils avaient la même vision des choses sur de nombreux points et savaient qu'ils pouvaient évoluer ensemble. Car leur objectif n'était pas simplement de devenir des amis de leur côté, en négligeant les autres enfants. Ils comptaient réellement changer et faire preuve de davantage de tolérance et de gentillesse pour se rapprocher de leurs nombreux camarades. Tom voulait que Fabien l'aide à écouter les autres, accepter leurs idées et partager leurs passions. Quant à Fabien, il espérait que Tom serait capable de le canaliser et surtout de lui redonner confiance, afin de ne plus avoir peur de se sentir abandonné.

 

Dans les premiers temps de cette nouvelle relation amicale, les professeurs surveillaient de très près les deux élèves en cours. Ils ne voulaient surtout pas que le petit nouveau ait une influence négative sur les résultats scolaires de Tom, de loin l'élève le plus brillant de sa classe, voire de toutes les classes de cinquième réunies. Car si son côté renfermé était un défaut dans les travaux de groupe, cela n'influençait jamais ses résultats, meilleurs à chaque trimestre. Sans particulièrement se sentir épiés, Tom et Fabien avaient un comportement quasi irréprochable. Même s'ils avaient la parole facile, un simple rappel à l'ordre suffisait à ce qu'ils soient de nouveau concentrés. Une autogestion rassurante et qui dissipa tous les doutes en quelques semaines. Une discipline naturelle qui s'expliquait par le besoin de Fabien de suivre avec attention les explications afin de ne pas être en difficulté dans certaines matières. En effet, à son arrivée, il présentait quelques lacunes et ses premières notes ne dépassaient jamais la moyenne. Loin d'être passionné par les sciences, il devait faire des efforts importants pour ne pas lâcher dès les prémices d'un nouveau cours. Il savait pertinemment que pour éviter un fâcheux redoublement en fin d'année, il devait travailler davantage et progresser. Son projet de vie était en effet intimement lié à son projet scolaire et pour s'installer durablement dans cette nouvelle ville, il ne devait surtout pas sortir du rang et se faire remarquer négativement. Une menace bien trop importante pour se permettre de faire des écarts en compagnie de Tom. Au contraire, son camarade le poussait constamment à se concentrer et à participer. Fabien acceptait toutes les remarques, même lorsque son ami perdait légèrement patience après plusieurs tentatives d'explication. Car lorsqu'ils se retrouvaient ensemble en dehors de l'établissement, ce n'était pas uniquement pour faire du sport ou pour tester le dernier jeu vidéo à la mode. Il y avait toujours un temps plus ou moins long durant lequel les deux camarades approfondissaient les leçons. Tom appréciait ce nouveau rôle de professeur de substitution. Il interrogeait Fabien et lui expliquait avec précision les points les plus problématiques des différentes leçons. Il excellait dans toutes les matières, sans distinction et son côté pédagogue malgré ses facilités constituait une aide précieuse pour son compère. Les cours du soir s'effectuaient toujours chez Tom. Timide et réservé lors des premières rencontres, il se sentait de plus en plus à l'aise au sein du foyer de son ami, d'autant plus après Noël, où il s'était senti comme chez lui avec la famille de son ami. Un véritable déclic pour les parents de Tom, qui dès le début de l'année suivante, eurent une réflexion importante quant à l'avenir de Fabien. Puisque les deux enfants s'entendaient à merveille et semblaient se tirer vers le haut, qu'il s'agisse d'épanouissement moral ou scolaire, ils avaient pris l'initiative de contacter les services sociaux afin de savoir s'il était possible d'accueillir Fabien chez eux. Les démarches étaient longues et fatigantes mais ils avaient bon espoir qu'elles aboutissent. Evidemment, Tom et Fabien n'étaient pas au courant, ils ne devaient en aucun cas le savoir en cas d'échec de cette idée. Il ne fallait surtout pas les perturber à l'heure où les résultats scolaires de Fabien et son attitude avec les autres devaient être irréprochables. Ce dernier mettait toute son énergie pour rattraper son retard. Une stratégie qui porta rapidement ses fruits et qui prouva que, dans un contexte sain et propice, il était tout à fait capable de se surpasser.

 

Leur grande force était que leur complicité ne se limitait pas aux murs du collège. Ils s'inscrivirent rapidement dans le même club de football alors qu'ils ne s'étaient contentés que de disciplines individuelles par le passé. Ils acceptaient d'être moins bons que les joueurs présents depuis plusieurs années dans l'équipe et voulaient simplement participer. Ils se tiraient vers le haut et se lançaient des défis. Si la barre était trop haute ou que quelque chose ne plaisait pas à l'un, l'autre acceptait et ils décidaient ensemble de se lancer dans un nouveau projet. Ils se rapprochaient également des filles et garçons de leur âge.  Un changement radical comparé à l'image qu'ils renvoyaient chacun de leur côté, avant leur rencontre.

 

Lorsque les services sociaux ont accepté l'idée que les parents de Tom deviennent famille d'accueil, il fallut annoncer la nouvelle aux deux amis, sans que ces derniers ne se fassent toutefois de faux espoirs. En effet, il devait y avoir plusieurs rendez-vous pour déterminer si oui ou non, Fabien était capable de s'intégrer dans cette nouvelle structure. Une attente insupportable pour Tom, qui rêvait constamment d'une réponse positive. En fin d'année scolaire, grâce à des résultats en hausse et des appréciations très positives des professeurs, Fabien obtint sa place en quatrième. Le déclic pour l'assistante sociale, qui formula un avis positif quant à son arrivée dans la famille de Tom, qui avait une vraie part de responsabilité dans la réussite de son camarade. Les deux amis, qui avaient complètement changé en seulement quelques mois, furent envahis par une émotion indescriptible. Un bonheur insouciant, celui de deux enfants à qui on proposait un nouveau départ, une nouvelle vie.

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