Vous pourriez être cette personne

Vous pourriez être cette personne

TÉLÉ-ENQUÊTEUR

Il y a des jours comme ça, où on se lève du pied gauche, où on aime se plaindre de tout, à tort ou à raison. Mais il existe, tout autour de nous, des gens qui exercent des métiers du quotidien, des emplois difficiles, sans même que vous en ayez conscience. Ou bien au contraire, des boulots qui consiste à vous appeler sans cesse, à ne jamais vous lâcher. Ce boulot, c’est celui de télé-enquêteur. Mais si ! Vous savez bien ! La personne qui vous appelle quand vous n’avez pas le temps !

Un télé-enquêteur travaille pour un institut de sondage, et souhaite donc savoir pour qui vous allez voter, ce que vous mangez le matin, ou pourquoi pas quelles sont vos préférences sexuelles (ce ne sont pas les idées de sondages qui manquent). Sport, politique, économie, alimentation, design, vie quotidienne… Il y a autant de sondages possibles que de disciplines. Mais un télé-enquêteur peut aussi travailler directement pour une entreprise, de téléphonie par exemple. C’est lui (ou elle) qui vous proposera avec insistance un forfait dont vous n’avez pas besoin, pour un téléphone que vous n’avez pas (enfin, pas encore). Un télé-enquêteur travaille donc, comme son nom l’indique, par téléphone, et doit joindre un échantillon visé, déterminé par localité, tranche d’âge, ou autres. Ceci pour dire qu’il n’appelle pas les gens, donc vous, par hasard : vous êtes préalablement ciblé. Puis, si vous acceptez de répondre, il prendra bonne note des informations dans un petit logiciel toujours très lent puisque cette conversation dure depuis déjà de longues minutes.

Comment devenir télé-enquêteur . Il n’existe pas de réponse précise à cette question que personne ne se pose. Selon un site d’offre d’emploi réputé, il faut, “dans ce domaine, généralement avoir un niveau bac. Selon les cas, une formation dans le domaine commercial peut être un avantage non négligeable, dans la gestion de la démarche avec les sondés ou afin de pouvoir administrer le questionnaire dans les règles des préconisations du client. Enfin, avoir la maîtrise d'une langue étrangère sera un atout pouvant être prépondérant selon les types d'enquête, et pas uniquement sur les langues traditionnelles comme l'anglais, l'espagnol ou l'allemand”. Bien évidemment, au-delà des langues, au-delà de vos études, qu’elles soient commerciales ou littéraire, le plus important, et cela ne s’apprend pas au tableau, un bon relationnel. Savoir parler aux gens, articuler, faire preuve de patience, aussi, bien sûr, et de sang froid. Mona a 31 ans, elle a quitté son boulot en agence de publicité pour monter sa boîte, mais travaille à mi-temps afin de pouvoir payer son loyer en attendant que les affaires décollent. Elle nous raconte son entretien d’embauche : “je travaille pour une grande entreprise de téléphonie mobile. Je n’y connais rien, mais ils m’ont dit que ce n’était pas un souci. Ils m’ont juste demandé si je parlais bien anglais, ils m’ont dit que ça pouvait être un plus. Je suis bilingue, mais si je ne l’étais pas, ce n’était pas bien grave. Je travaille à mi-temps, et je dois appeler les gens pour leur conseiller des forfaits. J’ai une liste de noms et de numéros, quelques infos, mon petit casque sur les oreilles, et je passe des coups de fil toute la journée, pendant des heures”.

Quand on lui demande si cela n’est pas trop dur, trop long, si elle n’a pas envie de hurler contre les clients potentiels qui lui raccrochent au nez, lui parlent mal, elle relativise : “je suis assise sur une chaise toute la journée, je ne vais pas vous faire croire que je fais un boulot difficile, en tout cas physiquement. Mais oui, moralement, cela peut être compliqué. J’ai la chance d’avoir un patron cool, mais il y a des attentes de rendement, et c’est parfois compliqué à tenir. Et oui, c’est vrai, on nous parle parfois mal. Au début, quand on compose les premiers numéros, on a peur de déranger, et on sait qu’on va déranger. Puis, petit à petit, on oublie, cela devient un automatisme. C’est le boulot qui veut ça”. Un boulot difficile donc, et pas si bien payé : l'offre d'emploi des postes de télé-enquêteur mentionne généralement des salaires se situant au niveau du SMIC, soit un montant brut d'environ 1280 euros. Quant aux perspectives d’évolutions, il est possible de passer à la gestion d’une petite équipe, même si la plupart du temps, ces emplois sont occupés par des étudiants désireux d’arrondir leurs fins de mois. En effet, le job de télé-enquêteur s’adapte aux horaires, aux profils, et aux activités annexes.

Mais tout cela, les gens le savent-ils ? Si tout le monde a un jour eu au téléphone un télé-enquêteur, avons-nous conscience de ce que vivent et ressentent les personnes au bout du fil ? Nous avons posé la question aux personnes juste à côté de nous, ici, dans l’open space. Thomas “s’en moque, ils me gonflent”, tandis que Fabienne “a fait ça pendant quelques semaines, il y a des années, et sait donc à quel point c’est difficile, mais bon, ils semblent toujours trouver le temps de m’appeler quand je n’ai moi justement pas le temps”. Josh, toujours serviable, affirme “prendre à chaque fois le temps de leur répondre”, tandis que Thomas, lui, admet à chaque fois se faire “avoir, je n’arrive pas résister, je réponds à chaque question et je pense leur faire plaisir en disant que ce qu’ils me proposent m’intéresse”. Lucas, enfin, n’y va pas par quatre chemins : “je raccroche sans rien dire”.

Alors, n’oubliez pas, la prochaine fois que vous serez de mauvaise humeur, que vous verrez la vie en noir, n’oubliez pas, surtout, que certaines personnes passent leur journée dans une petite pièce, le casque vissé sur les oreilles, recevant les critiques voire les injures de gens qui ne souhaitent pas leur parler.

Souriez, vous pourriez être télé-enquêteur.

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