Vous vous coucherez moins bête

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POURQUOI EN MUSIQUE UN TUBE S'APPELLE UN TUBE ?

Il est déjà tard, et le DJ ne semble pas vouloir vous laisser dormir. Déjà plusieurs heures (combien ? cinq ? six ?) que vous dansez sans vous arrêter, emporté par le rythme, la folie du moment, les stroboscopes, vos amis qui vous tirent sur la piste à la seconde où vous manifestez l’envie de rentrer. En même temps, “quand la musique est bonne”, comme le chantait Monsieur Goldman, difficile de résister. Et ce DJ fait ce qu’il faut. Des classiques ? Pas de souci, il les joue tous. Les tubes du moment ? Aussi. Tiens, mais… Là, au beau milieu de la piste, vous hurlez à l’oreille de votre ami : “dis, pourquoi on dit un tube ?”. Il ne vous comprend pas. Votre autre compagnon, lui, entend la question, mais semble s’en moquer. Le troisième, enfin, pense savoir, sauf qu’en fait non, il ne sait pas. Mais pas de souci.

Nous, on sait.

Si aujourd’hui, on parle d’un tube pour désigner un morceau à succès, et que ce mot ne possède pas de connotation péjorative, ce ne fut pas toujours le cas. En effet, l’origine du terme n’est pas réellement flatteuse. Et cela, on le doit à Boris Vian. Petit rappel pour les jeunes générations : Boris Vian était un écrivain français, poète, parolier, chanteur, critique et musicien de jazz (trompettiste), mais également directeur artistique. C’est lui qui, dans les années 50, alors qu’il occupait ce poste de directeur artistique chez Philips, inventa ce mot. Ou plutôt, le détourna.

Avant le MP3, avant Napster, avant iTunes, avant votre iPod, votre Walkman, vos CD’s et vos vinyles, il y eut le phonographe. Le phonographe était tout simplement le tout premier appareil de reproduction sonore destiné au public amateur. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, grâce à lui, il était possible d’écouter de la musique chez soi, et non dans une salle de concert. Cette invention, nous la devons à Charles Cros (même si la paternité de l’invention lui est parfois contestée et attribuée à Thomas Edison). C’est lui qui en 1877 parvint à immortaliser sur un petit cylindre, des notes de musique. Le phonographe, reposant à peu près sur le même concept que l’orgue de barbarie ou la boîte à musique, est né.

Petit aparté : n’allez pas confondre le phonographe et le gramophone. Le premier fonctionne grâce à un cylindre, l’autre grâce à des disques semblables à nos vinyles d’aujourd’hui. 

Le phonographe est donc né. Et avec lui, ces petits cylindres permettant de jouer de la musique. Des cylindres, des tubes donc. Vous nous voyez venir ? A l’époque, seuls les titres les plus populaires étaient enregistrés sur ces tubes, car le processus était complexe, coûteux, bref, un quintet de jazz indépendant ne pouvait, comme aujourd’hui, faire circuler sa démo auprès des professionnels. Un tube est donc nécessairement un succès. Mais pour Boris Vian, ce mot, “tube”, désignait également des chansons dont les paroles étaient creuses comme un tube. Des titres légers, succès d’un instant, mais qui séduisaient surtout un public peu exigeant. D’ailleurs, dans une chanson de 1957 écrite avec Henri Salvador, et sobrement intitulée “Le Tube”, il raconte comment élaborer une chanson à succès avec des paroles banales : “V'là les accessoires / Pour faire un succès / Un' rue un trottoir / Une môm' bien roulée / Un gars chandail noir / Et cheveux collés / Rengaine qui traîne / Ni triste ni gaie / Voilà les accessoires / Messieurs dames, entrez / La fille et le gars / Se sont rencontrés / Entre deux y'a soudain / Quelque chose qui survient / Dans la nuit les voilà partis”. Quelques mois plus tard, il ira même encore plus loin en sortant en librairie une véritable charge contre le showbiz, “En avant la zizique… et par ici les gros sous”.

Mais au fait, avant qu’on appelle un tube, un tube, quel était le petit nom donné aux succès musicaux populaires ? En fait, l’expression inventée par Boris Vian en 1957 remplaçait une autre utilisée alors dans le métier, qui n'était pas très élégante : avant cette date, on disait en effet "un saucisson". Pourquoi ? Un saucisson, en argot musical, était de la musique composée et calculée au kilomètre destinée à être vendue (en rondelle de vinyle), pour satisfaire les besoins alimentaires de l’artiste ou de son producteur.

Mais au fait, un tube, ça se chiffre à combien ?

Il existe pour cela des disques de certification. Chaque pays possède son système de certification des enregistrements musicaux avec des dénominations, seuils et conditions de certifications spécifiques, mais chez nous, on parlera de disque d’or, de disque de diamant, et de disque de platine. Mais la crise du disque est passée par là : alors que jusqu’en 2006, il fallait écouler 100.000 copies de son album pour être disque d’or, aujourd’hui, 50.000 suffisent. De même, alors que jusqu’en 1988, un disque de platine se chiffrait à 400.000 ventes, aujourd’hui, seulement 100.000. Même chute pour le disque de diamant : un million de ventes requis jusqu’en 2006, puis seulement 750.000 jusqu’en 2009, et aujourd’hui, 500.000. Pour info, pas moins de six albums de Céline Dion sont disque de diamant en France, ainsi qu’un best of d’Abba, les deux derniers albums d’Adele, trois Calogero, six Goldman, un Nirvana, et un Zucchero.

Voilà, vous savez tout.

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