Vous vous coucherez moins bête

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POURQUOI DIT-ON QU'ON UTILISE QUE 10% DE NOTRE CERVEAU ?

“On utilise en moyenne 10% de nos capacités cérébrales. Elle est à 100%”. Ceci est l’accroche lisible sur l’affiche du film Lucy, de Luc Besson, sorti en 2014. Le pitch ? “A la suite de circonstances indépendantes de sa volonté, une jeune étudiante voit ses capacités intellectuelles se développer à l’infini. Elle « colonise » son cerveau, et acquiert des pouvoirs illimités”. Passons sur la qualité du film, succès public mais échec critique, car là n’est pas le sujet. Ce qui nous intéresse, c’est cette phrase, ce postulat : on utilise en moyenne 10% de nos capacités cérébrales. Nous avons tous déjà lu ou entendu cette affirmation quelque part, selon laquelle sommeillerait en nous un génie endormi.

 

Sauf que non, c’est faux.

On vous explique tout.

 

Même Luc Besson l’admet : le postulat de départ de Lucy ne survit pas à une élémentaire démonstration scientifique. Dans le blockbuster, on la voit se doter de pouvoirs télékinésiques, d’une force surnaturelle, ou même saisir les conversations téléphoniques transitant par le réseau hertzien… Bref, tout cela va bien au-delà des limites fixées par la science et le bon sens. Mais dans ce cas, d’où vient cette contre-vérité scientifique, et pourquoi a-t-elle autant la vie dure ? Tout commence en fait à la fin du XIXème siècle, quand deux psychologues renommés de l’université de Harvard, William James Sidis et son père, Boris Sidis, publient un ouvrage intitulé The Energies Of Men (en français : l’énergie des hommes). Dans ce livre, on y apprend que William James Sidis, né le 1er avril 1898 à New York et mort le 17 juillet 1944 à Boston, est un enfant prodige, exceptionnellement doué pour les mathématiques et les langues. De cet exemple, son père établit le postulat selon lequel si son fils est un surdoué, capable de milles choses, alors nous devrions toutes et tous en être capable. Problème : un cas particulier ne saurait devenir une généralité. De plus, comme l’explique Catherine Vidal, neurobiologiste et directrice de recherche à l’Institut Pasteur, au début du siècle dernier, “la neurologie progresse grâce aux études réalisées sur des personnes qui ont des lésions cérébrales, notamment les blessés des différentes guerres. Les médecins observent que des lésions de certaines régions du cerveau entraînent des handicaps de différentes fonctions: vision, sensation, motricité, etc. Mais curieusement, pour les lésions dans la partie frontale du cerveau, on ne remarquait pas de répercussions majeures. Les patients pouvaient marcher, parler. On a alors pensé que ces zones du cerveau n’étaient pas utilisées”.

 

De fil en aiguille, cette théorie, qui n’est qu’une théorie justement mais possède un charme certain (imaginez un peu : nous sommes des génies en devenir !), devient vérité. Mais la science a fait des progrès, et aujourd’hui, il est possible de regarder dans notre cerveau afin de mieux le comprendre, grâce aux techniques d'imagerie médicale modernes (Imagerie par résonnance magnétique, IRM; Tomographie par émissions de positons, TEP). Et que voit-on ? Que toutes les zones de notre cerveau sont utilisées. Mais pas toutes en même temps. En effet, selon l'activité pratiquée, différentes zones de l'organe seront plus ou moins sollicitées: vision, compréhension du langage, calcul, mémoire immédiate et à long terme, coordination des gestes… “Mais l'une des raisons de la persistance de ce mythe tient peut-être à ce qu'effectivement, nous ne pouvons décider en toute conscience, comme on appuierait sur un interrupteur, de mobiliser l'ensemble de nos capacités pour résoudre un problème complexe. Dompter notre psyché demande davantage d'efforts, d'expérience et de réflexion”, comme l’explique le journaliste spécialisé David Namias.

 

Mais ce ne sont pas là les seules raisons de ne pas croire à cette théorie des 10%. Prenons les choses dans l’ordre : si nous n’utilisions que 10% de notre cerveau, alors les lésions cérébrales, la plupart du temps, n’auraient absolument aucun effet. Mais ce n’est pas le cas, et même un minuscule trauma peut avoir des conséquences désastreuses. De plus, le cerveau étant un muscle, si nous ne l’utilisions pas, alors il serait totalement atrophié, et donc endommagé.

 

Bref, Lucy n’est pas vraiment un documentaire.

 

Et pourtant, non seulement le mythe perdure, mais nombre de scientifiques continuent d’y croire. Comme Simon Thorpe, directeur du laboratoire du Cerco (Centre de recherche cerveau et cognition) et directeur de recherche au CNRS. Il défend ardemment “l’hypothèse que 90 % de nos neurones ne sont peut-être pas actifs. Ils seraient en quelque sorte endormis. Ces neurones seraient des traces de mémoire, dans l’attente d’un stimuli. Ils nous permettraient par exemple de reconnaître des musiques entendues plusieurs décennies plus tôt. Si un jour on trouvait un moyen de les libérer, on aurait, comme un enfant à la naissance, des capacités phénoménales d’apprentissage. Cela renforce l’idée, pas totalement délirante, qu’une partie de notre cerveau pourrait ne pas être utilisée”.

 

Vivement le futur !

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