Vous pourriez être cette personne

Vous pourriez être cette personne

FEUTIER

Le monde est rempli de petits tracas et de gros soucis du quotidien. De ceux qui vous donnent envie de ne pas vous lever le matin, ou vous amènent à sortir du lit, mais du pied gauche, et de mauvaise humeur pour toute la journée. Et pourtant, n’oubliez jamais que cela pourrait être pire. En effet, vous pourriez avoir un métier bien plus difficile, bien plus étrange, que celui que vous exercez au quotidien. Par exemple, vous pourriez être feutier. Feutier ? Pas de panique, on vous explique tout.

Imaginez la scène : un dîner romantique. Chez vous. Vous avez tout prévu : le repas est en train de chauffer, la table est dressée, ne manque plus que la petite ambiance qui fera toute la différence. Des roses ? Oui, c’est fait, il y en a déjà partout dans l’appartement, sur le lit, dans la cuisine, dans l’entrée, absolument partout. Que manque-t-il alors ? Des bougies. Des grandes, des petites, des parfumées, des colorées… Peu importe, tant que votre salon baigne dans une douce lumière. Et bien sachez que gérer la lumière des bougies, mais aussi des cierges, c’est un métier. Unique au monde. Le métier de feutier.

Chaque année, plus de six millions de personnes, dont environ 60 000 malades et invalides, visitent Lourdes, et plus particulièrement sa célèbre grotte, où tant de miracles auraient été accomplis. Cette petite commune française située dans le département des Hautes-Pyrénées est devenue un centre de pèlerinage catholique depuis les apparitions de Lourdes (Bernadette Soubirous déclara avoir assisté à dix-huit apparitions d'une dame qui se présenta comme étant l'Immaculée Conception) en 1858. Lourdes est ainsi le troisième lieu de pèlerinage catholique en fréquentation après le Vatican et la basilique Notre-Dame de Guadalupe de Mexico.

A partir de là, une logistique doit se mettre en place. Lourdes devient un site de recueillement, et une certaine atmosphère doit donc se dégager des lieux. Les pèlerins viennent prier, se recueillir, cherchent un moment de repos, de communion. Ils espèrent énormément de leur passage par la Grotte. Afin donc de créer, en quelque sorte, une bulle. Dans les pages du journal La Dépêche, Jean-Claude Casteix témoigne : “On doit toujours garder à l'esprit que pour eux cette démarche d'une prière à Lourdes peut représenter un espoir de guérison pour un proche, un désir de vivre. Je suis en charge de la gestion des cierges qui vont du plus gros 70 kg au plus petit modèle 50 gr ». Feutier, c’est cela. Gérer le feu. Maintenir la flamme.

Le boulot de Jean-Claude est donc le suivant : chaque jour, il est en charge du stock, de l’arrivage des cierges, de différentes tailles et de différents poids. C’est à lui qu’incombe le rôle, si important et délicat, d’éclairer la Grotte, mais plus important encore, de maintenir en vie les flammes déposées aux pieds de la statue de la Vierge. Un candélabre de 96 douilles, et des cierges qui ne doivent jamais, absolument jamais s’éteindre. Toujours dans les pages de la Dépêche, il raconte : “l'été il y a trop de monde, trop de cierges, on invite le pèlerin à l'enflammer, à prier le temps qu'il le souhaite puis à l'éteindre lui-même. On lui explique qu'on le brûlera pendant l'hiver à la morte-saison, il est de notre rôle d'expliquer au mieux notre travail pour ne pas perturber”. Oui, il s’agit d’une organisation millimétrée.

Car Lourdes, au-delà de l’aspect religieux, est une machine de guerre. Quelques chiffres : entre 800 et 900 tonnes de bougies sont brûlées chaque année. Des kiosques en tôle peuvent accueillir 5 400 cierges de 150 gr à 1 kg. Mais surtout, chaque pèlerin insiste pour que son cierge trouve une place, et c’est là que cela se complique : le métier de feutier consiste également à veiller à la sécurité de tous, au bon fonctionnement du lieu, et donc à éventuellement mettre de côté les cierges afin de les brûler plus tard. Salaire ? Environ 1300 euros par mois, pour 35 heures de boulot (officiellement) par semaine.

Résumons donc l’ensemble des missions des 18 feutiers qui composent l’équipe de Lourdes : assurer le remplissage des présentoirs (fastidieux compte tenu du poids de certains cierges) ; bien nettoyer la Grotte avant l’arrivée des visiteurs (là encore, un travail laborieux), chaque matin à six heures ; assurer le bon entretien des cierges (en très grand nombre, vous l’aurez compris) ; préparer la sonorisation pour le chapelet ; gérer l’afflux des pèlerins, là aussi en très grand nombre. Sur le site Lourdes Cancer Espérance, Jean-Claude Castex ajoute : “On rencontre des personnes en souffrance, parfois même en plein désarroi ; je suis très touché par la grande solitude de certaines personnes qui n’ont plus de famille. Face à de telles situations, on se sent impuissant mais, par une parole, on peut réconforter, témoigner d’une attention. Heureusement, nous voyons aussi des sourires : des personnes qui sont dans l’action de grâce ou qui, tout simplement, se réjouissent d’être à Lourdes. Mon regard sur le handicap a changé à travers tout ce que je vis au fil des jours”.

Un beau métier donc, difficile, et rare, car unique au monde et propre à la Grotte de Lourdes. Alors, arrêtez de vous plaindre. Merci.

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