Vous ne devinerez jamais

Vous ne devinerez jamais

Devinette n°4

Il fût un temps où, sortie de son trou, elle racontait des histoires. On l’imagine encore, dans la chambre d’un Shakespeare ou d’un Balzac, fière et forte, neuve ou usée, conter les vies de Roméo, Juliette ou Eugénie Grandet. Noircie malgré elle par la main de l’homme, des milliers de pigments viennent – ouf ! – encore l’habiller. Blanc, rouge, vert, noir, jaune, bien attachée à son créateur, elle peut être de toutes les couleurs. Même lorsqu’elle s’en détache, même si elle se montre moins fière. Eloignée, isolée, séparée de ses consoeurs, elle perd, c’est inévitable, un peu de sa grandeur. Pas facile d’évoluer, de jouer un vrai rôle, lorsqu’aucune équipe ne nous suit, nous soutient ou nous épaule. Elle est plutôt de nature à se laisser aller, celle que l’on cherche. Se laisser guider par le vent, par l’eau, par la pluie, mais jamais Ô grand jamais décider de la destination où portée elle atterrit. C’est qu’elle est fainéante, celle que vous devez trouver. Incapable d’être utile si personne ne l’aide à accomplir la tâche pour laquelle elle est née. Son rôle est capital, son rôle fait rêver, elle est belle, elle est forte lorsqu’elle reste perchée. Malheureusement pour elle, dommage pour celui qui la porte, parfois elle n’arrive pas à s’élever, du ciel ouvrir les portes. Dans ce cas là elle sert de costume, de couverture, c’est qu’elle a plus d’une corde à son arc, plein de façons de faire bonne figure.

 

Sans qu’on y fasse vraiment attention, elle nous aide aussi au quotidien, et ce de multiples façons. Toujours en bande à la naissance, elle finit tantôt seule attirée par la gravité, ou en famille lorsque la main de l’homme décide de l’enfermer. Dans des formes géométriques, des ronds, des rectangles, des carrés, dans lesquels entassée elle nous aide à nous reposer. Elle est douce, celle que vous cherchez. D’une douceur qui apaise, nous pousse à tout oublier. Mais attention, attention à ses berceuses ! De la douce caresse sur la joue à l’éternuement, elle est de celles dont la délicatesse est trompeuse. Perverse malgré elle, il lui arrive de faire couler les larmes de certains yeux. Les plus sensibles, les moins chanceux, les plus douloureux. Ainsi, responsable de certains maux dont beaucoup se passeraient bien, elle remplit les trousses à  pharmacie de ceux qui en ont besoin. Comme quoi ne désespérons pas, relativisons, s’il n’y en a pas pour tout il y a parfois des solutions.

 

Il y a en a aussi une à cette devinette, que nous allons poursuivre pour vous en donner le cœur net. Celle que l’on cherche n’est pas toujours utile. Lorsqu’on la sort du ciel ou des cylindres elle peut vite devenir futile. Il y a des gens pour lesquels elle n’est qu’une image, qu’un guide. Immatérielle, imperceptible, elle les aide lorsqu’il s’agit de les classer dans un ordre limpide. Ainsi enfermé dans des cases, réunis sur une même page, ceux qu’elle permet de trier peuvent se lancer, oublier d’être sages. Oublier d’être doux, oublier les caresses, mais jamais ô grand jamais céder à la paresse. Parce que ce qu’ils font demande de la discipline, de la rigueur. Un respect des règles, de l’éthique, pour éviter à leurs proches et au public d’avoir peur. Malgré les dogmes, malgré ce règlement, certains ferment les yeux lorsqu’ils les voient avancer, reculer et taper, tout en même temps. Voilà un sport qui ne plait pas à tout le monde, qui par sa violence fait trembler les maisons lorsque les mamans grondent. « Non, c’est non, tu ne veux pas jouer au tennis plutôt ? » « Non, c’est non, je veux enfiler des gants, maman, tu verras ce n’est pas violent, c’est beau ». Chacun ses choix, chacun ses passions, au diable le ring, le sang, revenons-en à nos moutons.

 

Lorsqu’elle ne sert pas à classer les sportifs ou assoupir les fainéants, celles que l’on cherche habille les fronts, les costumes de beaucoup de gens. Derrière elle se cachent des traditions, l’histoire de milliers de gens, qui sur leurs terres ou dans les westerns amènent couleurs, légendes et rêves d’enfants. Si certains s’en servent aujourd’hui comme d’un cliché pour désigner la culture dont nous parlons, il n’est pas faux qu’aux constructeurs de tipis nous pouvons faire l’association. Elle est alors sacrée, détient de nombreux pouvoirs, dont celui de désigner le plus brave, le plus courageux de ceux qui sur leur tête la portent en étendard. Attention, une seule ne suffit pas. Il faut les additionner, les multiplier pour au respect, aux applaudissements avoir le droit.  Ainsi nourrit-elle alors contes et belles histoires, quand ce ne sont pas les films de Sergio Leone et Michael Mann qui s’en servent pour combler les écrans noirs. Les pistolets et fusils se mêlent ainsi aux flèches, quand le cuir et les santiags leur font concurrence et avec les cowboys sont de mèche. C’est alors qu’elle alimente les films de genre. Leurs histoires, leurs costumes, mais aussi leurs décors. Aujourd’hui, plus besoin d’une caméra pour l’intégrer à notre style. En quelques années notre inconnue est passée des contes et western à la rue de manière habile. Les magazines, les podiums, les goûts et les couleurs l’ont beaucoup aidée. Sans eux pas de tendances, pas de mode, pas de nouvelles allures à adopter. Ici, des cheveux aux oreilles, elle habille certains visages. Quand ce ne sont pas les tee-shirts et autres sweats qu’elle recouvre d’images. Ses couleurs, sa forme, ses symboles ont eu raison des armoires pleines de vêtements. Même si elle a eu jadis son heure, elle est encore bien présente ici, maintenant.

 

Elle est aussi présente dans les trousses des écoliers. Du dressing au cartable il n’y a qu’un matériau à remplacer. Inspirée des outils des écrivains que nous citions plus tôt, elle a ensuite gardé son nom mais changé de tête pour entrer dans la famille des stylos. Impossible de fonctionner toute seule, elle avale alors des cartouches, qui remplies d’encre bleue, rouge, turquoise, permet aux écoliers de ne pas botter en touche. Souvenez-vous de l’époque où dans nos cahiers elle nous permettait d’écrire, cette époque où l’on ne faisait qu’apprendre, jouer et rire. Souvenez-vous des petites billes que l’on récupérait une fois l’encre épuisée. Celles qu’on faisait rouler sur le sol ou dans la tête de nos camarades l’on balançait. Boutades d’enfants, boutades sans conséquences, mais qu’il était bon le temps des dictées, des mots qui alors n’avaient pas tous un sens. Certains adultes y reviennent de temps en temps. Quand attachés à leurs affaires investissent dans l’un de ces crayons d’antan. Ceux-là sont alors présentés dans un bien bel écrin. Du genre qu’on laisse sur son bureau pour faire envier ses voisins. Ils servent alors à signer des contrats, à parapher des feuilles, et au plaisir de l’écriture redonner son sens pour emplir les recueils. Plus que des contrats c’est aux livres qu’on l’associe. Plus encore au théâtre, aux masques et aux monologues d’artistes accomplis. Dialogues, lyrisme, didascalies, que seraient sans elle la littérature, les essais, les tragédies ? Notre inconnue aime les mots, aime les lettres. Sans elle les bibliothèques n’auraient pas lieu d’être. Et si vous ne l’avez pas encore trouvée, demandez donc à l’ami Pierrot de vous la prêter…

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