Vous ne devinerez jamais

Vous ne devinerez jamais

DEVINETTE N°10

Il fut un temps où les Hommes se contentaient de dormir, chasser, manger, s’aimer, sans penser à mettre leur réveil pour arriver à l’heure au travail le lendemain, à la révision de leur voiture ou au nombre de « likes » obtenus par la photo de leurs pieds enfoncés dans le sable blanc d’une plage mexicaine. Ils étaient alors dépendants d’eux-mêmes, de leur bon sens, de leur jugeote et des moyens du bord - à savoir pas grand-chose sinon la nature qui leur tendait les bras. A l’heure où la technologie est sortie de son statut d’évolution pratique pour devenir un nid à innovations plus ou moins utiles, ce temps-là apparaît comme surnaturel. Comment peut-on vivre sans eau courante, ni téléphone portable, ni ordinateur, ni lave-vaisselle ou tout simplement électricité ? L’électricité, en voilà une invention qui, admettons-le, est née par pur esprit pratique pour accompagner les hommes en facilitant leur quotidien.

Si nous sommes tous aujourd’hui ravis du résultat issu du cerveau de nos amis les scientifiques, il en est un qui, pendant que les uns jouissaient sans entrave des prises de courant, voyait peu à peu l’une de ses plus grandes fonctions disparaître. Parce que jadis, avant que l’homme ne trouve un moyen de faire jaillir les flammes en frottant deux cailloux, il était le seul à décider de l’heure du coucher et de celle du lever. Parce qu’à l’époque, il était le seul à pouvoir réchauffer les cœurs et donner « l’heure ». Parce qu’à l’époque, il n’y avait que lui pour décider du moment où la nuit pouvait faire son entrée. Parce qu’à l’époque, il était la plus grande source de lumière que le monde aie jamais vue. Si l’on s’en accommode évidemment durant les belles journées d’été, le soleil, parce que c’est bien de lui dont nous parlons, n’est plus le premier appelé lorsque les nuages noirs viennent couvrir le ciel et assombrir nos maisons et appartements. Sauvagement doublé par l’innovation et les hautes avancées de la science, il est aujourd’hui en compétition avec les bougies, lampes et autres sources de rayons qui permettent aux Hommes d’observer ce qui les entoure et de rester debout plus longtemps sans fermer les yeux pour dormir. « Mais où voulez-vous en venir exactement ? », êtes-vous en train de vous demander. Eh bien tout ça est très clair : s’il en est une qui peut bien se vanter de faire la guerre au soleil, et de gagner la bataille de temps en temps, il s’agit bien de celle que l’on cherche.

Si on la connait plus communément dans sa taille moyenne, à peu près équivalente à celle d’une tasse de café, elle existe aujourd’hui en miniature comme en grand format. Sa version XXL est d’ailleurs de plus en plus courue des amateurs de déco et des magazines, qui aiment la mettre en avant dénuée de tout habillage, belle au naturel, sans déguisement. Elle orne ainsi les bureaux, cheminées, commodes et mêmes plafonds chez ceux qui l’aiment sans artifices. Mais il n’y a pas que dans les intérieurs que celle que l’on cherche officie. Elle s’est aussi glissée dans la rue, les fontaines, certains porte-clés, les voitures, les scooters, les vélos… Elle est partout. Et parfois, dans les loges des artistes telles qu’on les voit au cinéma, elle se promène avec ses copines. Parce que ceux qui s’installent devant elles n’ont pas le droit à l’erreur et ne doivent en aucun cas oublier ne serait-ce qu’une petite parcelle de leur épiderme. De l’eye-liner ici, du fond de teint là, du blush sur les joues, du rouge sur les lèvres, grâce à celle que l’on cherche et à ses sœurs jumelles, la préparation ante représentation ou tournage est censée être parfaite et sans impair. Dans le monde du spectacle et du 7ème art, notre inconnue du jour est d’ailleurs particulièrement utile. Parce que le soleil n’entre pas dans les studios de cinéma et qu’il est rare de voir un opéra éclairer ses petits rats à l’aide de grandes fenêtres laissant passer la lumière. C’est à ça qu’elle sert, celle que l’on cherche : à remplacer le roi jaune de façon efficace mais artificielle.

Mais, magie de la langue française, le mot que nous essayons de vous faire deviner aujourd’hui n’a pas qu’une seule signification. A côté de la prestigieuse tâche consistant à remplacer l’étoile la plus célèbre du système solaire, notre inconnue du jour a un rôle dont l’Humanité se serait bien passée. C’est ainsi qu’au lieu d’éclairer visages, rues, cuisines et autres chemins utilisés par les baroudeurs de nuit, celle-ci s’amuse à faire souffrir les uns et les autres. Elle arrive d’ailleurs généralement lorsqu’on ne peut plus vraiment la contrer. A ce moment-là, nous sommes déjà arrivés à la soirée, au bureau, loin de l‘endroit où l’on pourrait trouver de quoi l’empêcher de faire des dégâts. Elle s’attaque le plus souvent à la partie la plus basse de notre corps, celle qui touche terre et nous permet d’avancer. La faute à un mauvais choix de celui sur lequel elle jette son dévolu, ou à un problème relatif à l’objet qui lui permet normalement (un comble) de ne pas se faire mal en arpentant le sol. Et puis parfois, lorsqu’elle veut sortir des sentiers battus, elle peut également s’attaquer aux mains, qui travaillent parfois autant que leurs homologues d’en bas. Lorsque celles-ci sont usées, ont trop donné de leur peau, elles peuvent accueillir lentement mais sûrement celle que l’on cherche. L’objet de notre devinette n’éclaire ainsi plus personne, mais fait grimacer ceux sur lesquels elle s’installe. Rien de grave, non. Juste un petit bobo, comme disent les mamans pour rassurer leurs enfants. Ceux qui tombent en courant un peu trop vite, s’égratignent les genoux en flanchant sur leur vélo ou font saigner leurs mains en grimpant aux arbres. Heureusement, un peu de patience et quelques pansements magiques suffiront ainsi à faire disparaitre notre méchante inconnue du jour.

Mais parce qu’il faut bien redorer son blason avant de terminer cette devinette, parlons de sa troisième signification. Celle qui se joue entre les mains des hommes en blouse blanche, dans les salles de classe des lycéens ayant choisi la filière S ou les laboratoires de ceux qui sont allés plus loin dans la manipulation de la chimie. Ceux là cherchent, cherchent, cherchent, trouvent parfois, de quoi faire de nouvelles recherches et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’ils trouvent vraiment quelque chose. Dans leurs QG aseptisés, ils manipulent des fioles, des produits, fabriquent des élixirs, font jaillir de la fumée et parfois, ils tiennent entre leurs mains celle que nous essayons de vous faire deviner. Elle sert ainsi tantôt à laisser s’écouler les liquides au compte goutte, tantôt à séparer deux substances incapables de se mélanger. Elle retrouve alors la forme arrondie et douce de celle dont nous avons tenté de vous donner la définition au début de ce long texte. Elle retrouve aussi sa transparence. Seuls les filaments qui permettent à notre inconnue du jour de briller n’apparaissent pas dans cette version, qui ne cherche pas à faire de la lumière mais à accompagner le laborantin dans son minutieux labeur.

Après tout cela, nous sommes persuadés que vous avez trouvé l’objet de notre devinette. Et si l’on devait illustrer le moment où la réponse vous est enfin apparue, celle que l’on cherche aurait très certainement trouvé sa place dans une petite bulle, juste au-dessus de votre tête…

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