Vous ne devinerez jamais

Vous ne devinerez jamais

Devinette n°2

Il n’est pas difficile à trouver. Au bureau, dans votre cuisine, le magasin d’en face ou votre cellier. Dans votre sac à dos, lorsque qu’il se transporte plié, à la cheville, si vous comptez mal l’utiliser. A la plage aussi, dans le sac des pêcheurs ou bien caché dans le sable. Au cinéma lorsque vous n’aimez pas les comédies, dans les livres d’histoire et ses représentations d’antan. Les livres d’Alexandre Dumas, Bret Easton Ellis ou du cuisinier préféré de votre grand-maman. C’est qu’il est multi usages, celui que l’on cherche. Toujours choisi pour la même faculté, on ne le sort pas toujours pour les mêmes raisons. Il est régulièrement indispensable, parfois gouteux, et trop souvent détourné de sa première fonction. Une fonction très simple mais brillante, qui permet à qui le veut d’apprécier un bon repas, ôter une appendicite, faire fuir un hoquet pour qui y croit le tente. A la superstition, il est souvent lié. Qu’il s’agisse alors de trahison, de souffrance ou d’amitié. Pour la trahison, nous verrons plus tard. Parlons donc de choses gaies, on attendra pour le noir. Ainsi paraît-il, qu’aux amis il ne faut pas l’offrir. Que si vraiment ceux-là le réclament, ils doivent y mettre du leur, leur portefeuille ouvrir. Faut-il croire à ce genre de légende ? Personne ne le sait. Sauf celui à qui le malheur prédit par la superstition est arrivé. Le malheur en question, est une immense perte. Celle d’un être cher, d’un confident. D’une personne qui chaque jour était là pour vous, contre marées et vent. Nous ne parlons pas de mort, non, n’allons jusque là. Nous parlons des liens qui viennent et vont mais qui dans ce cas généralement ne se cassent pas. Oh et après tout, au diable la superstition. Parlons de concret, de réel, d’éléments qui à cette devinette vous donneront la solution.

L’objet que l’on cherche est de ceux qui portent mille noms. De ceux qui ont mille fonctions, mille visages. Des blancs et des gris, toujours, des noirs et des rouges, parfois. Parfois ou trop souvent. De la blanche colombe au roman noir il n’y a qu’un geste, une émotion de trop. Une pulsion, une folie, une vengeance, un sentiment qui vole beaucoup trop haut. Et qui s’écrase, la tête en avant, la raison en arrière, bien loin des quotidiens sereins. De ces semaines tranquilles il est pourtant l’un des piliers. Un socle sans qui de nombreuses tâches aussi simples que « 2 + 2 = 4 » se transformeraient en équation quintique. Dans nos tiroirs, il peut parfois oublier sa composition la plus répandue pour mieux adouber le plastique. Question d’âge, de famille et de précautions drastiques. Pourtant jadis, avant que la science et le bon sens ne se chargent de le forger dans le métal, c’est dans ce que la nature offrait à l’Homme d’hier qu’il s’est modelé. Ainsi l’ancêtre du Sapiens, qui n’avait d’autres moyens que ses mains, sa matière grise et la nécessité, comptait-il sur les minéraux pour concevoir l’objet. Il put alors bâtir, bricoler, se sustenter, faire évoluer son espèce… Et en faire souffrir d’autres avant de se retourner contre lui-même. Homo homini lupus est. L’Homme et un loup pour l’Homme, et lorsqu’il a faim, il mord, découpe, hache, fait trembler ses mâchoires, bouger ses membres, les supérieurs en première ligne.  Celui que nous cherchons, magie du pragmatisme, est fait pour tenir dans n’importe quelle main, bien qu’elles ne soient pas toutes autorisées à le toucher. Question d’ancienneté et d’agilité. Question d’histoire et de lois aussi, quand il s’agit de le manier dans sa version XXL. Beaucoup plus impressionnant, beaucoup plus lourd, notre objet change alors de sexe pour devenir « Elle ». Un comble pour cette variante Moyenâgeuse, qui n’avait jadis d’utilité qu’entre les phalanges des seuls hommes autorisés à la brandir. S’il a ainsi ôté quelques têtes et alimenté nombre de films à cape et de séries aux trônes d’alliages, c’est désormais dans les tiroirs qu’il dort la majeure partie du temps. Loin de souffrir de l’enfermement, il sort de sa cachette midi et soir, à l’heure où l’estomac réclame son dû. Il devient alors indispensable, héroïque, embête franchement ses propriétaires lorsqu’ils ne l’ont plus. Heureusement pour eux, notre objet est de ceux qui vivent en bande. Lorsque l’un des membres du gang disparait, il y en a toujours un pour répondre à la demande. Un bien pour un mal, parfois. Souvenez-vous du visage aux quatre couleurs. Quand le visage rouge et noir apparaît, c’est du mauvais côté de la force que notre objet aime à se tourner.

Lorsqu’un malotru ou un inconscient le détourne ainsi de sa fonction première, il emplit malgré lui de petites et grandes salles habitées d’hommes et de femmes en robe. Debout ou assis selon leur carte de visite, ceux-là écoutent, questionnent, défendent, condamnent, celui ou celle dont la main est allée trop loin. Trop loin de la raison, trop prêt du cœur ou des poumons. Tristes faits divers, tristes affaires, tristes conséquences, quand elles dépassent les égratignures. « Une égratignure, une égratignure… » se convainc le neutre Mercutio lorsque la querelle des Capulet et des Montaigu dépasse les jeunes Juliette et Roméo. La faute à Tybalt, à la guerre, à l’amour, la passion, la vengeance, la déraison. Tant de choses qui nous bercent, nous heurtent et emplissent les bibliothèques et les chansons. La loi aussi, qui a un jour décidé d’attribuer à celui que l’on cherche la lettre D. Une lettre qui permet à qui l’entend de se le procurer sans se soucier du coup de sifflet. Comme on achèterait une pomme ou une baguette de pain. Les problèmes au bout de la rue, le danger à portée de chacun. Heureusement pour nous, les Hommes sont des êtres raisonnables, raisonnés. Conditionnés par une certaine idée du bien, du mal, sans manichéisme, juste parce qu’on apprend ce qui est bon ou non pour la société. Sans aller jusqu’à l’arrêt de l’électrocardiogramme, certains s’en servent plus prudemment - mais non sans moindre mal - en titillant la colonne vertébrale des malchanceux qui les entourent. Qu’elle est violente, la métaphore de la trahison ! Et qu’il est dangereux, l’objet de nos interrogations. Sa version la plus connue en tous cas, qui remplit les tiroirs, pages faits divers et autres boutiques carnivores.

Il en existe une autre qui, elle, se déguste sans entrave… Mais se mérite. Pas parce qu’elle est onéreuse, non. Juste parce qu’elle est de celles qui ne s’attrapent pas en un claquement de doigts. Prenant la forme de cette variante gourmande, le mot que nous cherchons ne vit plus dans les maisons des hommes mais dans la sienne. Composé de sable, de coquillages, d’iode et de grand air, son appartement a l’audace des profondeurs et le luxe des bords de mer. Parce qu’il est très casanier, l’en tirer n’est pas une mince affaire. Une affaire d’appât, une affaire de persuasion. De son trou il ne jaillit pas si jamais personne ne le pousse à l’évasion. Pour l’attraper, la technique est bien cruelle. Elle consiste à l’étouffer, l’attirer, avec beaucoup de convictions et surtout un peu de sel. Bercé par l’appel du grand air, berné par l’entourloupe, il pointe alors le bout de son nez, en attendant que le public s’attroupe. Il faut alors agir sans pause, garder les yeux ouverts. L’attraper rapidement et le sortir de son univers. Un univers fait de « mmmh », de plaisir et de « miam ». Lorsqu’il est bien préparé, cela va de soit, attention aux erreurs de cuisson et aux petits drames. Chouchouté il a le goût des repas gastronomiques ou des grandes tablées amicales. Des marmites bouillantes, herbes ciselées et saveurs estivales. Comme ses congénères marins, on le couvre de pommes de terre. Coupée en fines lamelles, frites, c’est ainsi que se nomment ces délices éphémères. Qu’elle est belle la vie, lorsque l’assiette est pleine. La fourchette bien grasse, le sourire sincère et la joie bien présente, amen ! C’est aussi à ça qu’il sert, un peu, notre objet. A vous aider au quotidien, vous nourrir, vous émerveiller. Au travers d’histoires pleine d’armures, de guerres et de batailles. Dans les mains des Mousquetaires il est utilisé sans faille. Athos, Porthos, Aramis, leurs ennemis, tous ont au fil des pages brandi la version longue et lourde de notre bon ami. Prenez garde, si enfin vous l’avez trouvé, après ce grand combat de mots vous risqueriez de vous couper…

 

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