CHIEF OF HAPPINESS OFFICER
Il y a des jours comme ça, où on se lève du pied gauche, où on aime se plaindre de tout, à tort ou à raison. Mais il existe, tout autour de nous, des gens qui exercent des métiers du quotidien, des emplois difficiles, sans même que vous en ayez conscience. Ou bien au contraire, des boulots qui consiste à vous veiller sur vous en permanence, à prendre soin des autres sans jamais se plaindre. Savez-vous ce qu’est un chief happiness officer (CHO) ? Pas de panique, on vous explique tout, et on vous dévoile les coulisses d’un métier pas comme les autres.
Un Chief happiness Officer est en charge du bonheur des salariés. Son objectif est de créer une entreprise plus responsabilisante avec des valeurs fortes auxquelles les salariés et nouveaux talents vont vouloir s'attacher. Mais encore ? Il s’agit d’un métier né aux Etats-Unis, plus précisément dans la Silicon Valley, la contrée des entreprises et startups, de Facebook et d’Amazon, des entrepreneurs du monde entier. Là-bas, les travailleurs ont des salles de repos grandes comme des maisons, des machines à bonbons dans les couloirs, des baby foot partout… Vu d’ici, un petit paradis. Sauf que finalement non, puisque cette joyeuse ambiance, pour ne pas virer au chaos ou au grand n’importe quoi, a vu la naissance d’un nouveau métier, CHO donc. Selon le site eMarketing, sa mission est ‘’d’organiser des événements dans l'entreprise ou en extérieur, pour garantir la cohésion et le bien-être des salariés, et réguler la tension liée aux évolutions de la charge de travail”. Comprendre : faire en sorte que tout le monde soit heureux de venir bosser le lendemain.
Mais alors, concrètement, en quoi consiste ce métier d’un nouveau genre, un peu étrange, mais dont on trouve pourtant la trace sur LinkedIn en France ? Le concept trouve son origine chez un homme, Chade-Meng Tan. Il est ingénieur, américain, et est le 107ème salarié embauché chez Google, embauché à une époque où l’entreprise ne dominait pas encore le monde. Ce doux dingue a un jour l’ambition de ne plus vraiment travailler, et de se consacrer à ses collègues, pour changer le monde en les rendant heureux. Vraiment ? Oui, vraiment. Son poste officiel au sein de la boîte est jolly good fellow, soit un super bon camarade. Pour de vrai. Aujourd’hui milliardaire, puisqu’il possède des parts dans la société, il continue de se venir chaque jour au bureau pour prodiguer quelques conseils de vie, à Jacqueline de la compta ou à Barack Obama quand il est de passage dans les bureaux pour une visite forcément médiatisée. Le Parisien, en 2014, s’est intéressé de prêt à ce curieux personnage : “Si le cours de Meng est facultatif pour les employés de Google, un millier d’entre eux l’ont déjà suivi et beaucoup se retrouvent sur liste d’attente pour l’une des quatre sessions annuelles. Le projet de Meng peut sembler très utopique. Après tout, il est facile de dire que réduire le temps de travail rend les gens plus heureux. Surtout quand ils sont employés par une entreprise très progressiste qui leur offre trois repas par jour et met à leur disposition des salles de jeu, grâce à un bénéfice brut annuel de 19 milliards d’euros. Et si on travaille pour des entreprises fauchées, que faut-il faire ? « Souvenez-vous, répond Meng, Google n’a pas toujours été auréolé de succès. La clef de la réussite, c’est de développer une attitude de mentor, c’est-à-dire de regarder les autres êtres humains et de se dire “Je veux que cette personne soit heureuse”. »
De là est donc né ce nouveau métier. "Je suis là pour désamorcer les éventuelles difficultés que peut rencontrer l'un de nos salariés avec nos clients", explique au site de L’étudiant Catherine Brugière, 53 ans, CHO chez CSA Consulting, une petite société de consultants spécialisée dans la banque et l'assurance. "Je peux passer deux heures à discuter avec quelqu'un dans mon bureau si c'est nécessaire, que ce soit pour un problème professionnel ou personnel. Cela fait partie de mon travail". Autre composante du quotidien d’un CHO : organiser des petits déjeuners pour souder l’équipe (ou pourquoi pas un weekend de rafting), une sortie acro-branche, ou tout simplement une soirée karaoké.
Nous avons joint par téléphone Julie A., qui est CHO dans une grande entreprise de cosmétique qu’elle n’a en aucun cas le droit de citer. Elle s’amuse de notre intention d’écrire sur son métier, puisque pour elle, rien de vraiment rigolo ou glamour là-dedans : son travail est finalement bien proche de celui du directeur des ressources humaines, avec éventuellement un H en majuscule. Elle raconte : “J’ai commencé en temps qu’employée lambda, et très vite, un appel fut lancé en interne afin d’organiser ce qu’ils ont appelé des “moments de vie” entre employés. Ce n’était pas un nouveau poste, plutôt une activité supplémentaire. Je jouais finalement le rôle de la voisine qui organise la fête des voisins et se dévoue pour accueillir tout le monde chez elle”. Quand on lui demande si ce métier n’est pas un peu un mirage, un délire en quelque sorte de grosse boîte souhaitant s’acheter une conduite ou tout simplement se différencier par un brin de fantaisie, elle rigole, et assume : “Bien sûr que cela semble ridicule, mais le fait est que si ce métier n’avait pas besoin d’exister, et bien il n’existerait pas. Tout simplement”.
Mais cette jeune ambitieuse de 31 ans insiste : si elle est là, c’est que tout n’est pas rose au sein de l’entreprise. Une partie de son boulot consiste donc à rassurer, calmer, et voir venir : “je dois toujours être à l’affût, de tout, tout le temps. Si je perçois un problème, je me dois de le régler, souvent avant qu’il n’explose. Ce qui peut créer de vrais moments de gêne. J’avais par exemple perçu une sorte d’animosité entre deux employés du même service. En discutant avec eux, j’ai essayé de creuser, pour savoir ce qu’il en était. Il se trouve qu’ils étaient en couple depuis peu et essayaient en fait de ne pas trop le montrer au sein de l’open-space, en faisant mine de s’éviter. Mignon, mais terriblement gênant pour moi”.
Alors souriez, tout n’est pas noir ! Vous pourriez être Chief of happiness officer, vivre un beau moment de gêne avec vos collègues, ou tout simplement, devoir passer votre dimanche avec vos collègues à faire de l’accrobranche.