Vous pourriez être cette personne

Vous pourriez être cette personne

CHAUFFEUR DE SALLE

Il y a des jours comme ça, où on se lève du pied gauche, où on aime se plaindre de tout, à tort ou à raison. Mais il existe, tout autour de nous, des gens qui exercent des métiers du quotidien, des emplois difficiles, sans même que vous en ayez conscience. Comme Lionel. Il  a 39 ans, et il est chauffeur de salle. Pas le pire métier du monde, évidemment. Mais un métier qui nécessite une bonne humeur quotidienne (pas simple), et une énergie de chaque instant (dur). Et quand on passe une mauvaise journée ? Peu importe, il faut sourir. Et faire rire.

 

Son prénom, c’est Lionel. Tim est son nom de famille. Il a 39 ans, et travaille au sein du groupe Canal Plus. Chaque jour, il chauffe le public de La Nouvelle édition, émission quotidienne, le midi, sur C8. Il se souvient de ses débuts : “Je suis devenu chauffeur de salle par un heureux concours de circonstance. Un jour, un ami producteur d'émissions pour enfants avait besoin de quelqu’un pour amuser le public, et il m’a demandé si je pouvais le faire pour lui. Alors je me suis lancé, je ne l’avais jamais fait avant”. Mais n’allez pas croire que faire sourire les bambins et leurs parents n’exige aucun self control, aucune préparation. Etre chauffeur de salle, c’est un peu être clown d’anniversaire, le déguisement en moins. Il ne faut jamais faiblir, ne pas prendre peur, embrasser ses éventuels bides : “j’avoue qu'au début,  j'ai eu très peur. Chauffer  la salle pour près de cent enfants, chaque mercredis et chaque samedi, c’était un vrai challenge, professionnel certes, mais aussi personnel”. Et Lionel n’est pas peu fier de nous raconter qu’il l’a relevé avec brio. Au point d’en faire son métier.

 

Il n’existe pas à proprement parler de formation pour devenir chauffeur de salle. Il existe, en revanche, un nom, qui fait rêver tout le monde. Celui de José Garcia. L’acteur, vu dans La Vérité si je Mens, Le Boulet, ou encore Le Couperet, a fait ses débuts, lui aussi, sur Canal Plus, dans la mythique émission Nulle Part Ailleurs, aux côtés d’Antoine de Caunes. Mais avant, il fut un acteur sans le sou, pas encore star, cumulard de petits boulots, dont celui de chauffeur de salle sur le plateau de Philippe Gildas. C’est là, avec sa bonne humeur à toute épreuve et son hystérique énergie, ou son énergique hystérie, qu’il tapera dans l’oeil du futur animateur de L’émission d’Antoine. Cette histoire, Lionel la connaît. Selon lui, “José Garcia est un exemple pour tous les chauffeurs de salle, et l'étape ultime pour un chauffeur de salle est de devenir comédien”. D’ailleurs, les deux métiers exigent plus ou moins les mêmes qualités.

 

Pour Lionel, l’essence du boulot, ce qui fait la différence entre un bon et un mauvais chauffeur de salle, c’est la faculté à “savoir capter l’attention très vite et ressentir les choses, mais surtout, ressentir les gens. Il faut comprendre très vite quel genre de public on a. Cela nécessite une bonne dose d'humour, il ne faut surtout pas avoir peur des gens. C’est un équilibre compliqué à trouver, il faut d’un côté être très proche et familier de ces personnes dans le public que tu vois pour la première fois, que tu ne reverras jamais et qui ne sont pas tes amis, et en même temps, ne pas être trop proche, justement parce que ce ne sont pas tes amis. Il faut fonctionner à l affectif”. Et notre expert tient à ajouter cette petite ligne au curriculum vitae : danser, chanter, être un bon comédien, sont évidemment des plus. Il faut, tout simplement, “savoir faire le show”.

 

Mais non, n’allez pas croire que la vie de chauffeur de salle est faite de rires, d’embrassades, d’applaudissements et de rêveries au quotidien. Car impossible de poser un jour off quand on a un coup de blues. Les téléspectateurs se moquent bien que vous vous soyez fait largué par votre copain ou votre copine la veille de l’émission. Lionel : “il est vrai que parfois, il faut mettre ta tristesse de côté. On peut nous voir par moments comme des clowns tristes. Sur un plateau, il n’y a pas de place pour les larmes ou les soucis, il faut faire front lorsqu’on est en scène !”. Il en va de même pour un humoriste, un acteur, un chanteur… Vos tracas n’ont que peu d’importance aux yeux d’un public que vous vous devez de faire rêver.

 

Et si, finalement, le plus simple était de ne pas trop réfléchir, de se jeter dans l’arêne ? Le plus simple… Ou le plus compliqué ? Lionel répète ce mot à l’envie : “l’instinct, il faut fonctionner à l'instinct, ne jamais trop préparer sa chauffe pour ne pas subir de déconvenues. Pour ma part, je suis chanteur a la base, mais j ai pris deux ans de cours de théâtre au Studio Pygmalion, ce qui me permet parfois de jouer des personnages! Il est vrai que l’humour est primordiale, connaître quelques anecdotes ou blagues peuvent t’aider à détendre l’atmosphère”. Mais parfois, rien n’y fait. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Un public peu joueur, un chauffeur peu souriant. Très vite, cela se sent, quelque chose coince. Un chauffeur de salle qui ne souhaite pas ici donner son nom se remémore une anecdote bien particulière. De celle qui vous fait vous dire que oui, cela pourrait être pire, vous pourriez être un mauvais chauffeur de salle dans un mauvais jour : “C’était un lundi, je ne sais pas si cela a la moindre importance, mais je m’en souviens très bien, car les lundi sont souvent les jours les plus compliqués. Les gens sont fatigués, ils ont réservé leur place dans le public plusieurs semaines auparavant sans forcément prévoir que cela tomberait un début de semaine. Bref, c’était dans une émission du service public, présentée par un individu particulièrement détestable. Non, ne cherche pas, je ne te donnerai pas son nom, mais sache juste qu’il est très connu. La veille, j’avais eu une grosse fatigue, une presque grippe comme je dis, et il est vrai que j’étais épuisé. J’arrive donc en plateau, et je ne sais pas pourquoi, je ne fais jamais ça, mais j’ai raconté une blague, vraiment, mais alors vraiment très nulle. Sur le coup, j’ai cru que ce serait une bonne idée. Tu veux que je te la raconte ? Tu es prêt ? J'ai essayé la veste de Gad et elle m'allait ! Voilà. Je ne m’explique toujours pas cette tentative. Je récolte trois rires gênés, mais surtout, les foudres de l’animateur, qui me prend par la main, m’emmène au milieu du public, et me dit de m’asseoir. “Voilà, c’est encore là que tu es le plus à ta place”, me dit-il. Quand je tente de me relever, il me demande de raconter une autre blague, de voir si je peux faire mon boulot. Une humiliation totale. Mais il ne rigolait pas, et ne me quitte pas des yeux. L’horloge tourne, on est en direct quelques minutes plus tard, je m’exécute donc. Et là, c’est encore pire que la première fois : Comment une blonde tues-t-elle un oiseau ? Elle le jette d'une falaise ! Horrible, atroce. Surtout, tu ne me croiras jamais, mais je n’avais pas vu qu’il y avait, dans le public, toute une école de coiffure qui avait été invitée à visiter les coulisses. 80% de blonds et de blondes dans le public. Là, j’ai envie de pleurer. Et c’est ce que je fais, je fonds en larme, devant le présentateur, devant le public. Je demande à quitter le plateau, je suis au bout du rouleau, mais on me l’interdit. Je fais donc la première partie de l’émission dans cet état. Tu imagines ? Pendant la pub, je m’échappe. Je laisse mon casque en régie, et je m’enfuis. Je ne suis jamais retourné bosser dans cette boîte, et par la suite, j’ai eu du mal à trouver du travail. C’est un petit milieu”.

 

Oui, définitivement, cela pourrait être pire. Vous pourriez être chauffeur de salle.

 

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