Vous pourriez être cette personne

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ACTEUR DE SITCOM

"Au départ, on avait 300 à 400 heures à livrer par an et on a terminé par faire entre 1500 et 2000 heures. On se collait des petites antisèches dans le décor au cas où on avait trou. On terminait selon les épisodes à 16h ou 1h du matin. Il y avait des séances de dédicaces le week-end, les galas, de la promo... C'était non-stop. Pendant cinq ans, je n'ai pas dormi". Ainsi s’expriment les acteurs de la grande époque des séries AB Productions. Souvenez-vous des Aventures de Dorothée, de Pas de Pitié pour les Croissants, Salut Les Musclés, Premiers Baisers, Les Années Fac, Hélène et les Garçons, les Vacances de l’Amour… Ces séries ont marqué toute une génération, mais aussi et surtout les acteurs, obligés de tourner sans s’arrêter pour satisfaire l’appétit pour le moins vorace des producteurs. L’idée est simple : tourner vite et donc rentabiliser les coûts de tournage. D’ailleurs, une sitcom ou comédie de situation est “une série télévisée à dominante humoristique, caractérisée au départ par une unité de lieu (décor récurrent) permettant des moyens de tournage limités et des coûts de production réduits (nombre très restreint de décors, peu ou pas d'extérieurs), avec des épisodes durant généralement moins d'une demi-heure”.

1,8 millions de dollars par épisode pour Charlie Sheen dans Mon Oncle Charlie, un million de dollars pour Jerry Seinfeld dans Seinfeld, même chose pour Jennifer Aniston, Courteney Cox, Lisa Kudrow, Matt Le Blanc, Matthew Perry, David Schwimmer dans les dernières saisons de Friends… Il est possible de bien, et même de très très bien gagner sa vie en jouant dans une sitcom, mais il faut être une star, et de toute évidence, une star américaine. Dans la vraie vie véritable des gens normalement normaux, c’est moins. Beaucoup, beaucoup moins. Mais ce n’est pas tout… Il y a pire.

“Après avoir joué dans La Vie Est Une Fête, Jean Pascelin n’a plus jamais retrouvé de rôle emblématique. S’il a bien joué dans une célèbre publicité pour le camembert Moucébon, personne ne se souvient réellement de lui. Il y a quelques années, il bien tenté de passer derrière la caméra, mais son premier film en temps que réalisateur, Cobra Contre Dragon, ne parvint pas à séduire, et ne resta que deux heures dans les salles, avant de sortir un DVD quelques mois plus tard (mais là encore, ce fut un flop). Aujourd’hui, il nettoie le caca des vaches dans un abattoir du nord de la France”. Bien sûr, ce texte ne parle pas d’un vrai acteur, d’une vraie série, et ne conte pas le vrai destin d’une ancienne gloire du petit écran. Et pourtant, sachez-le, l’acteur et l’actrice de sitcom sont, dans leur grande majorité, condamnés à rejoindre les colonnes de la rubrique Que Sont-ils Devenus ? des magazines. Des articles peu flatteurs la plupart du temps, voire tout simplement moqueurs. Mais là encore, ce n’est pas tout… Là encore, il y a pire.

Ce sont les acteurs de la série eux-mêmes qui racontent l’histoire. La scène, ou plutôt les scènes tant cela arrivait tous les jours, se passent sur le plateau de la sitcom Alf. Un gentil extraterrestre, des rires enregistrés, une petite famille américaine typique… Andrea Elson, qui jouait Lynn Tanner, la petite fille, se souvient d’un décor rempli de trappes sous lesquelles étaient cachés les techniciens chargés de faire fonctionner la créature. Problème : une cheville froissé ou pire, une nuque brisée, guettait le casting à chaque pas si par mégarde il marchait sur l’une de ces trappes. Paul Fusco, créateur du show et marionnettiste en chef, était un homme pour le moins excentrique, qui terrifiait ses équipes en demandant rien moins que des mouvements réalistes pour sa créature, nécessitant pas moins de quatorze personnes. Cris, rage, indications contradictoires… Sans grande surprise, Andrea Elson ne retrouva plus jamais de rôle régulier dans une sitcom.

Contacté par téléphone, l’un des acteurs d’une série AB Productions de l’époque, qui demande à ce que son nom ne soit pas mentionné ici, raconte l’après, ce moment où il a fallu affronter la réalité de la fin de la série qui l’a fait connaître : “Du jour au lendemain, les gens ne te reconnaissent plus dans la rue, et bizarrement, la vie est moins facile. Tu dois réapprendre à vivre une vie normale, et ce n’est pas si simple. Tu t’habitues vite à être aimé des gens”. Autre difficulté : persévérer dans le milieu. “Quand tu passes des castings, les professionnels que tu as en face de toi peinent à croire que tu puisses jouer autre chose que le jeune écervelé ou le beau gosse du lycée. Tu te retrouves prisonnier du rôle qui t’a fait vivre pendant plusieurs années. De plus, ces séries n’avaient pas très bonne presse. Elles cartonnaient auprès des enfants et des adolescents, mais dans le métier, on considérait cela comme nul, c’était presque sale. Donc pas moyen de trouver quoi que ce soit, de faire mon métier. Ce n’est que des années après, quand le souvenir de la série a commencé à s’estomper, et que mon visage a pris quelques rides, que j’ai pu de nouveau trouver des rôles intéressants”.

Résumons : un salaire pas vraiment mirobolant au service d’une diva exigeante ou complètement dingue, une image qui vous colle à la peau, sans parler des magazines qui vendent du papier sur votre dos.

Souriez, votre vie pourrait être bien pire. Vous pourriez être acteur ou actrice de sitcom.

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